Etude CANUPIS sur le cancer chez l’enfant à proximité des centrales nucléaires en Suisse
Les enfants qui vivent ou qui ont grandi à proximité d’une centrale nucléaire suisse courent-ils un risque plus élevé de développer une maladie cancéreuse – et en particulier une leucémie? A la demande de la Ligue suisse contre le cancer et de l’Office fédéral de la santé publique, l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Berne a étudié cette question en collaboration avec le Registre suisse du cancer de l’enfant et le Groupe d’oncologie pédiatrique suisse.
L’essentiel d’abord: l’étude dite CANUPIS, qui a été publiée aujourd’hui dans l’éminente revue International Journal of Epidemiology, n’a apporté aucune preuve démontrant que les cancers étaient significativement plus fréquents chez les enfants vivant à proximité de centrales nucléaires par rapport aux enfants habitant à plus grande distance.
La Ligue suisse contre le cancer réagit face à l’inquiétude de l’opinion publique
Une étude allemande publiée en 2007 montrait l’existence d’un risque de cancer accru chez les enfants vivant dans un rayon de cinq kilomètres autour de centrales nucléaires, en particulier de leucémies chez les enfants en bas âge. Les résultats cette étude dite KiKK («Epidemiologische Studie zu Kinderkrebs in der Umgebung von Kernkraftwerken» / «Etude épidémiologique sur le cancer chez les enfants vivant à proximité d’une centrale nucléaire») suscitèrent alors l’inquiétude de l’opinion publique, y compris en Suisse, et entraînèrent notamment de multiples demandes à la Ligue suisse contre le cancer (LSC) sur ce que celle-ci envisageait d’entreprendre compte tenu de ces résultats.
La LSC réagit rapidement: elle commença par examiner s’il était possible de mener – pour la première fois – en Suisse une étude analysant cette question. Deux facteurs parlaient clairement en faveur de cette hypothèse: premièrement, le Registre suisse du cancer de l’enfant (RSCE), rattaché au célèbre Institut de médecine sociale et préventive (IMSP) de l’Université de Berne, répertorie depuis 1976 tous les types de cancer de l’enfant en Suisse. Deuxièmement, les premiers calculs ont montré que le nombre de cas d’enfants ayant développé un cancer en Suisse était suffisamment important pour que l’on puisse obtenir un résultat statistiquement significatif si l’effet des centrales nucléaires suisses était aussi marqué que celui observé en Allemagne (autrement dit un doublement du risque de leucémie chez les enfants âgés de 0 à 4 ans). La raison en est en particulier la forte densité de population à proximité des centrales nucléaires suisses. Toutefois – et fort heureusement –, l’incidence des quelque 200 cas de cancer de l’enfant enregistrés chaque année en Suisse est comparativement faible par rapport aux quelque 36'000 cas annuels de cancer observés chez les adultes.
Etude CANUPIS: première analyse approfondie menée en Suisse
A la suite de quoi, la LSC – en collaboration avec l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) – a mandaté l’étude détaillée CANUPIS («Childhood Cancer and Nuclear Power Plants in Switzerland», www.canupis.ch). La qualité scientifique et l’indépendance de l’étude ont été garanties par un groupe de suivi, composé de six experts de renommée internationale. Ceux-ci ont évalué en détail le schéma de l’étude et ont émis diverses critiques et propositions d’amélioration qui ont été prises en considération par les responsables de l’étude.
Par comparaison avec l’étude allemande ainsi qu’avec d’autres études sur les centrales nucléaires et l’apparition de cancers, le schéma de l’étude CANUPIS s’est caractérisé par trois améliorations déterminantes:
- Grâce à des données géocodées, il a été possible d’établir avec précision le lieu de résidence des enfants analysés ou sa distance par rapport au site de la centrale.
- Ont pu être établis et pris en compte par l’étude non seulement les lieux de résidence des enfants atteints au moment où le cancer était diagnostiqué (ce qui permet de procéder à une comparaison entre l’étude CANUPIS et l’étude KiKK), mais également au moment de leur naissance.
- Toute une série de facteurs potentiels de risque ou d’influence (anglais: confounders) ont été en outre pris en considération dans l’analyse des données: rayonnement ionisant et électromagnétique (émis par les lignes à haute tension, par exemple), facteurs cancérogènes liés à la circulation, pesticides agricoles, statut socio-économique, etc. En effet, d’autres facteurs que les émissions des centrales nucléaires sont susceptibles d’influer sur le risque de cancer.
Pas d’indices de risque accru de cancer chez l’enfant à proximité des centrales nucléaires
Au total, l’étude CANUPIS montre que la fréquence des cancers et des leucémies chez les enfants vivant à proximité de centrales nucléaires n’est pas statistiquement augmentée. Même si ces résultats sont rassurants à première vue, la preuve n’est toutefois nullement apportée que les centrales nucléaires n’exercent aucun effet nocif. Il est incontestable que le rayonnement radioactif est cancérogène. De plus, les résultats de l’étude CANUPIS se réfèrent au bon fonctionnement normal des centrales nucléaires suisses, et non à une catastrophe nucléaire comme celle de Fukushima survenue au Japon au printemps de cette année.
A la suite de l’étude KiKK, la LSC est convaincue d’avoir assumé ses responsabilités vis-à-vis de la population suisse en mandatant ce remarquable travail entrepris par le RSCE et l’IMSP. L’organisation à but non lucratif continuera à suivre avec attention la manière dont évoluent l’état scientifique des connaissances en ce qui concerne les risques liés au rayonnement ionisant ainsi qu’à d’autres facteurs environnementaux, tels que le rayonnement électromagnétique, le radon, l’amiante, les particules en suspension dans l’air ou le rayonnement UV.